samedi 30 juillet 2011

Quand le doute m'assaille



Il devait être minuit. Devant les bars de cette île grecque se tiennent tous les soirs tard de jeunes enfants et leur mère. Ils vendent des bâtons qui illuminent dans le noir. Ces gitans ont entre 6 et 9 ans. Dès qu’on passe devant eux, ils collent. D’un peu trop près. Dans ma bulle, ils essaient de me vendre ces bracelets en plastique.

Mon réflexe : protéger mon sac à main.

Ils se sont mis à nous crier des bêtises lorsque nous avons refusé de leur acheter leurs bracelets. Puis à nous frapper avec ceux-ci. Puis à nous lancer sur les fesses un objet qui pince. L’amie qui voyageait avec moi a pris son allure de « prof pas contente » pour leur dire d’arrêter. L'un d’entre eux lui a répondu en lui mordant un sein.

Je peux comprendre que ces enfants ne reçoivent pas une bonne éducation. Mais en même temps, à un si jeune âge, voir jour après jour des gens riches flamber leur argent comme certains siphonnent leur cigarette, ce doit engendrer son lot de frustration. Je les imagine ne pas avoir de repas à se mettre sous la dent, alors que d’autres personnes, sous leurs yeux, dépensent 22 euros pour tremper leurs pieds dans un aquarium pendant 30 minutes pour que des poissons chatouillent leurs orteils et mangent les peaux mortes.


Et je pense à cette petite fille à Athènes, un vieil accordéon entre les mains, ne sachant pas en jouer, mais faisant tout de même bouger ses doigts sur l’instrument de musique, créant ainsi une cacophonie au pied de l’Acropole.




Et je pense à cette petite fille en haillons à Beijing, près de la rue Wanfujing, où touristes et Chinois se bousculent pour dénicher des babioles à ajouter à leur collection de bébelles qui finiront quelques mois plus tard dans le fond d'un tiroir. Cette petite fille qui me regarde en touchant sa bouche. Je ne comprends pas le mandarin, mais ces yeux suppliants et ce geste de désespoir sont universels. « J’ai faim! » Je n’avais qu’une noix de coco (percée avec une paille) dans mes mains et une barre tendre dans mon sac. Son regard lorsque je lui ai tendus, suivi d’un « Xie xie » (merci), avant de disparaître derrière une ruelle sombre, je ne l’oublierai jamais.

Dans ces lieux touristiques, j’hésite toujours à tendre quelques pièces aux enfants démunis. Pas parce que je suis insensible, mais plutôt que je redoute qu’il y ait un géant derrière qui s’en mettre plein les poches. Parfois, je me laisse attendrir en me demandant si je suis naïve.

Aurais-je dû acheter un bracelet à ces enfants impolis? Leur tendre une pièce? Leur acheter un pita au coin de la rue? 

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas de réponse à cette question.
    Troublant, comme réflexion. Comme tu dis, qui sait si, en plus d'être pauvres, ces enfants étaient exploités, tenus en otage et forcés de tirer profit de la charité d'autrui pour le bénéfice d'un proxénète de la misère caché dans l'ombre.

    M'enfin, merci d'avoir partagé ce bout de voyage.

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  2. Bonjour Pat,
    Merci de ton commentaire.
    Je ne crois pas que ces enfants vendeurs de bracelets étaient tenus en otage ou exploités. Ils vivent plutôt le mode de vie des gitans. (Mais oui, placer de jeunes enfants devant un bar, c'est pour tirer profit de la charité d'autrui, en atteignant une corde sensible chez les touristes). Pour ce qui est de la jeune fille à Beijing, cette rencontre fut troublante. Elle ne cherchait pas à me vendre quelque chose. Elle m'a abordé car elle avait faim. Ce voyage date, mais jamais je n'oublierai ce regard.
    Ce matin, Pierre Laporte tenait des propos un peu semblables aux miens:
    http://www.cyberpresse.ca/international/dossiers/la-corne-de-lafrique-face-a-la-famine/201107/30/01-4422267-de-faim-et-dindifference.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B40_chroniqueurs_373561_accueil_POS2

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